« Quand la machine apprend » de Yann Le Cun
L'auteur est l'un des inventeurs de l'apprentissage profond. Il reçoit le prix Turing 2018.
De passage à Paris pour la publication en poche de son ouvrage, « Quand la machine apprend », le pionnier français de l’intelligence artificielle, patron de la recherche en IA du groupe Meta (Facebook), nous éclaire sur trois fausses croyances.
1. ChatGPT n’a rien inventé
La petite organisation californienne OpenAI, qui a lancé ChatGPT sur la planète, n’est la championne mondiale des intelligences artificielles basées sur des LLM ou « modèles de langage de grande taille ». « OpenAI n’a pas inventé le fil à couper le beurre ! Ce genre de technologie, qui sert à la compréhension et à la génération de textes, ainsi qu’à la traduction, est déployée par beaucoup de laboratoires depuis plus de cinq ans.
2. Il n’y aura pas de guerre de standards sur les IA conversationnelles
L’intérêt du grand public pour ChatGPT a tout de même donné un sacré coup de fouet à Meta et Google, qui accélèrent sur l’IA. Chez Meta, l’IA est ainsi devenue un cinquième « groupe produit » à part entière, pour générer images de synthèse, vidéos, environnement 3D, mais aussi chatbots. Le pari de l’auteur est cependant que les LLM deviendront un standard ouvert commun à tous les industriels, comme aujourd’hui l’infrastructure internet. Car les coûts sont très élevés
3. Les dangers de l’IA sont exagérés
Le risque d’un moratoire est une erreur. L’Eglise catholique avait autrefois prédit que l’invention de l’imprimerie allait détruire la société… Elle a au contraire donné le siècle des Lumières, argumente-t-il. A contrario, l’Empire ottoman, qui a interdit l’imprimerie, a pris 250 ans de retard ! » Pour Yann Le Cun, les dangers réels de l’IA sont techniquement solubles si on la rend pilotable, traçable et sécurisée par des règles alignées sur les valeurs humanistes. Dans son rôle de chercheur représentant l’industrie, il met logiquement en avant le travail des comités éthiques mis en place par les industriels. Soulignons cependant que l’efficacité de l’autorégulation a été maintes fois contredite par l’histoire de Facebook, émaillée de scandales.
Odile Jacob – Avril 2023 pour l’édition de poche